La
Maison populaire de Montreuil, un soir de la semaine dernière, je pénètre dans la salle à la « porte bleue ». Sur la petite scène du fond, assises en cercle, elles finissent leur briefing avant l’arrivée des spectateurs. Je ressors dans l’allée ouverte sur un petit jardin et échange quelques mots avec une jeune femme au cheveux très court presque rasé. Ses grands yeux noirs m’interrogent. Certaines de ces femmes qui m’ont chaleureusement invitée à venir les découvrir sur scène sont des «trans» me dit-elle. Ah mais moi je croyais qu’elles étaient «drag kings » ! De toute façon, il faut les désigner au masculin. Première leçon que j’ai intérêt à intégrer rapidement si je souhaite me faire bien voir.
Sagement assise sur ma chaise, j’observe la scène encombrée de part et d’autres de sacs, de vêtements, de glaces posées sur les tables, une image gothique sur l’écran, quelques chaises. Mon regard se détourne un petit moment, le temps de saluer quelques copines. Lorsque je me concentre à nouveau, les artistes sont en pleine préparation.
A droite, ça piaille, ça glousse, ça rigole. Les femmes à moitié nues de la troupe
Kisses cause trouble se maquillent et papotent, les cheveux enserrés dans des bonnets attendant la perruque. Je découvre des rondeurs insolentes, tatouées, colorées, je ne sais plus où poser mon regard amusé : sur la blonde sexy, sur la Walkyrie aux tétons pom-pom girl ou sur cette autre au style matrone qu’on appelle, la Générale, Inga Waffenkullo la cheftaine du groupe ! Je reconnais miss Purple et surveille la brune pulpeuse au corset, farouchement décomplexée. A gauche de la scène, dans un calme olympien, la transformation est radicale. Les moustaches et les boucs sont dessinés avec précision, les corps se sont enveloppés de tenues de banlieusards, les chapeaux et bonnets ont couvert ce qui restait de la masse capillaire. Le look hirsute est aussi présent : cheveux longs frisés et seins au vent ! Ce sont les
Kings du Berry, rappeurs pour le fun.
Impressionnée par leur transformation, je suis à peine les dialogues engagés par les deux groupes à propos des déclarations pontificales, de l’homophobie, du féminisme. Leurs blagues sur le thème des stéréotypes féminins ou du machisme sont ravageuses. Victor, le petit arabe, raconte des histoires poilantes de fille-garçon embarqué(e) dans des aventures de bistrots. Mine de rien, Vlad promène Miss Purple avec une laisse. Je ne me rends pas compte du temps qui passe. Le spectacle n’a pas encore commencé que l’heure du débat arrive.
Performance réalisée dans le cadre de : Corps performés et réalités sociales - Lutter contre les descriminations à la Maison populaire de Montreuil mercredi 21 janvier 2009 à 20 h avec les Kisses cause troubles & les Kings du Berry (Dave, Erik, Romain, Tino, Victor et Vlad).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire