dimanche 30 mai 2010

Marie L. masochiste abstinente


« J’ai obéi. J’ai obéi pour m’enivrer de dégoût , comme quand je pompe le sang au creux des bras, que la tête tourne.» (Noli me tangere)

Dans ces années quatre-vingt dix après les annonces Chéries de Libération et avant l’explosion des chats Internet, une génération a pratiqué les rencontres par Minitel et j’en faisais partie. C’est à cette époque que, par un ami commun, j’ai entendu parler de Sophie/ Marie L. masochiste d’une vingtaine d’années. Par ce moyen elle recherchait plutôt des hommes. Nous avons failli faire connaissance pour un « jeu » qui ne s’est jamais produit. Quelques temps plus tard, les livres publiés par cette jeune femme ont fait écho dans le petit monde sm de l’époque. Confessée, publié aux éditions Climat en 1996 (réédité à La Musardine pour l’édition de poche en 2000) et Petite mort (éditions Blanche - 1998), ses premières oeuvres, ont provoqué en moi une sorte de rejet assez fort. Je lâchais l’ouvrage au bout de quelques pages sans savoir ce qui me dérangeait tant dans cette lecture.


Par la suite, au moment où j’écrivais Tendance SM, je me replongeai dans ces livres. En prenant du recul, je découvrais une auteure qui avait su, au fond, en racontant des épisodes de sa vie, exprimer essentiellement sa souffrance d’une manière brute et directe. Ayant dépassé mes résistances, j’étais hypnotisée par une écriture limpide, dénuée de fioritures. Son masochisme m’apparut comme un symptôme de sa recherche identitaire, de son besoin désespéré d’amour et souvent de son mal être. Je compris alors que cette expression du masochisme narcissique et presque mortifère, me dérangeait car elle perturbait ma recherche érotique. Quand j’étais attirée par l’aspect théâtral des jeux SM, par l’esthétique et les mises en scènes sensuelles, Marie L. racontait la banalité des rencontres et les espérances d’amour déçues, l’échange triste et glauque des relations tarifées, les malentendus des corps qui s’accouplent. Il y eu d’autres publications. Non seulement des textes comme Noli me tangere (La Musardine – 2001), peut-être le plus terrible, peut-être celui que je préfère… et Eaux-forte, un roman publié en 2002 chez Jean-Jacques Pauvert, mais aussi des photos, (Bloody Marie – Editions Alixe 2001) autoportraits de ses actions autopunitives, difficiles à appréhender pour le grand public, et des contributions avec Pierre Bourgeade.



L’année dernière, j’ai bu un verre à la terrasse d’un café avec Sophie/Marie L. Je l’ai entendu parler, suggérer des événements, raconter sa vie et ce qu’elle appelle « sa renaissance ». Il y avait beaucoup de monde lors d’une signature organisée en février dernier à la librairie Les Cahiers de Colette, à l’occasion de la parution de Red Sophia Song aux éditions Cartouche – 2010. Apparemment, ses lecteurs ne l’ont pas oubliée après sept ans de silence. Je parie qu’ils sont aussi nombreux à découvrir maintenant son œuvre. Ce dernier livre ne contient pas de récits sexuels ou sm. C’est le journal d’un séjour à Samara, au Costa Rica à un moment où elle se sent au bord de l’abîme et qu’elle choisit de partir le plus loin possible pour essayer de retrouver la vie.

« Sofia, je suis Sofia. Red Sofia. Masochiste. Abstinente de corps, funambule de l’âme, et toujours en vie. Je ne veux plus mourir. » (Red Sofia Song)

Photos ci-dessus, de haut en bas : Autoportrait intitulé "Retournement" de Marie L., portrait de Marie L. par Antoine Poupel et Autoportrait de la Porte 8






Rencontrez Marie L. dans le cadre du Festival du film court, Côté court
Ciné 104
104, av. Jean Lolive
Pantin

Marie L. seule au milieu d'elle
Dimanche 13 Juin à 16h00

(Interdit aux moins de 18 ans)

Vernissage de l’exposition One Day, série de dix autoportraits originaux d'après polaroïds (dont la photo ci-dessus) - Première exposition Bloody Marie, série de 90 autoportraits, 2001 (installation vidéo)
Porte 8, série de 180 autoportraits, création récente - première diffusion (installation vidéo)

Lecture par Marie L. de plusieurs extraits de son dernier ouvrage Red Sofia Song sur Kaïros II, projection vidéo originale de 18 minutes, suivie de Hic & Nunc, vidéo originale de 12 minutes.

Ecoutez l’entretien de Marie L. avec Alain Veinstein
sur France Culture dans l’émission du 12 mai 2010
Du Jour au Lendemain

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