samedi 27 mars 2010

Sévère




A la suite du procès de Cécile Brossard, empruntant la personnalité de la meurtrière, Régis Jauffret écrit un récit à la première personne qui vient de paraître aux éditions du Seuil. En tant que romancier «je mens» annonce-t-il en préambule. Il nous prévient : «je ne respecte ni vivants, ni morts, ni leur réputation, ni la morale».

Je n’avais rien lu de cet auteur mais j’étais attirée par le titre. J’étais curieuse de découvrir le portrait inspiré par la maîtresse d’Edouard Stern.

Le livre commence ainsi : «Je l’ai rencontré un soir de printemps. Je suis devenue sa maîtresse. Je lui ai offert la combinaison de latex qu’il portait le jour de sa mort. Je lui ai servi de secrétaire sexuelle. Il m’a initiée au maniement des armes. Il m’a fait cadeau d’un revolver. Je lui ai extorqué un million de dollars. Il me l’a repris. Je l’ai abattu d’une balle entre deux yeux. Il est tombé de la chaise où je l’avais attaché. Il respirait encore. Je l’ai achevé.».

Ayant décidé de s’enfuir le plus loin possible en prenant un avion pour l’Australie, la narratrice raconte sa cavale. Elle alterne le récit de ce voyage avec des réflexions et des souvenirs dévoilant différents épisodes de sa vie. Sa rencontre avec la victime se produit chez l’un de ses amis. Après avoir attendu avec d’autres femmes dans la cuisine, elle est choisie par l’homme pour lequel, s’il l’avait voulu, elle aurait pu être la «soumise absolue». L’homme lui demande de jouer la maîtresse, un rôle pour lequel elle n’éprouve aucun plaisir. Elle satisfait pourtant ses désirs espérant l’attacher mieux qu’avec des chaînes.

L’auteur traduit d’une manière fine et précise les sentiments d’une femme effacée au moment de sa rencontre avec un homme flamboyant, puissant, dominateur. Elle traîne les souvenirs d’une enfance triste et violée. Son mari a la figure d’un maquereau et leur relation est ennuyeuse. Elle reconnaît elle-même manquer de talent pour réaliser ses rêves d’artiste. Ce personnage globalement déprimant réussit pourtant à nous captiver par sa banalité, par un aspect naïf et border line de sa personnalité. On n’arrive pas à savoir si elle est manipulée ou manipulatrice et l’auteur excelle à nous perdre. De ce vertige, naît l'image d'une femme à la fois meurtrière et victime qui, comme tant d’autres, à rêvé d’amour et de bonheur Harlequin et dont les projets se fracassent dans la violence et dans l’excès.

1 commentaire:

  1. C'est magnifique......les photos illustrent si bien ..... ces messieurs étranges et fascinants.....et oui ...Eros et Thanatos.....Nous le savons bien.. à un autre moment de la relation, Cécile aurait pu et aurait accepté d'être la "victime"......on songe au très beau film d'Almodovar "MATADOR".....merci Mona de si bien écrire et de nous donner envie de lire

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