

Dès les premières minutes du film qui dure une vingtaine de minutes, j'identifie un changement par rapport aux œuvres précédentes. Le rythme et le langage narratif ne sont déjà plus les mêmes. Le spectateur est entraîné dans un mouvement accéléré d’images qui se succèdent en couleur et en noir et blanc. Les gros plans sont nombreux et rendent la distinction des formes assez difficile. Inutile de chercher à comprendre, cette œuvre mise sur la capacité du spectateur à lâcher prise, à se laisser atteindre par la performance. Les non-initiés seront sans doute décontenancés. Les autres percevront d’abord une expérience d’auto fist-fucking réalisée par un homme au visage caché dont les mamelons, le sexe, les couilles sont particulièrement développés. Par la suite, viendra le temps d’une douce complicité entre cet homme et la comédienne/réalisatrice. Les bras de la femmes aux marques saillantes sauront se lover dans la fente souple et entraînée de son partenaire. Cette pratique devenue depuis les années soixante-dix le symbole d’une sexualité hard homosexuelle a intéressé Michel Foucault. Elle a été célébrée par le photographe Robert Mapplethorpe auquel j’ai pensé en voyant ces images. Pour Catherine Corringer, elle désigne une expérience fondatrice relative à la naissance. D’ailleurs la bande-son, très réussie, traduit les battements d’un cœur, la respiration évoquant une éclosion ou un accouchement. Il s’agit d’un avènement. Si je me réfère aux quelques lignes du synopsis, ce serait celui «d’un monde d’avant l’assignation de genre».
Cette fois-ci, contrairement aux autres films, on ne voit pas de sexe féminin mais un sexe masculin mou, élastique au point d’être noué par son possesseur. Ce corps d’homme doux, lascif, est pénétré dans un mouvement lent et serein qui tranche avec la nervosité de la femme, son agitation. L’homme est passif, il est calme, on ne voit pas son visage. L’ « œil » de la femme s’impose, scrute, cherche, se confond avec l’oeil de la caméra, puis se repose à peine, songeur. A la fin de cette étrange traversée des organes de chair et des pulsations resurgit la figure androgyne de l’enfance. Une facette familière de la réalisatrice. Elle sautille, son visage est souriant, elle tente d’attraper le ciel.
Les films de Catherine Corringer sont déjà passés dans de nombreux festivals. Ce dernier est sélectionné en compétition au Festival International des Films de Femmes de Créteil ainsi qu’au festival Côté Court qui se déroulera à Pantin en juin 2009. Avec Smooth, la réalisatrice atteint une maturité esthétique et performative impressionnante qui mérite d’être récompensée. Good luck my dear !

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