dimanche 24 janvier 2010

Continent dark




Jeudi dernier, avait lieu le vernissage d’une exposition de *James (photo ci-contre), une jeune photographe croisée à plusieurs reprises dans des occasions artistiques ou BDSM. J’arrivais donc de bonne heure au Lust, le restaurant de la rue de Beauce dans le Marais, devenu le QG d’une faune éclectique réunissant des personnes de sexualités différentes (homos, lesbiennes, bi, trans, hétéros).

Des créatures fantomatiques hantent les images que je découvre sur les murs. Il y a des corps de femmes nues, des silhouettes androgynes, des scènes baignées par la pénombre où l’on imagine un rituel étrange, quelques rares objets de décors, un crucifix. Un projecteur met l’accent sur un pénis recroquevillé. La photo de grande dimension est en noir et blanc comme la plupart des autres clichés exposés. Sur l’écran de l’ordinateur ouvert sur la table, un petit film présente deux personnages nus, les visages cachés par des cagoules. Ils se cherchent, s’attirent, se caressent avec un grand couteau, une sorte d’épée impressionnante.

J’échange quelques mots avec les amis de *James dont Mélanie qui me confie être la créature apparaissant dans la série intitulée Métamorphosis (ci-dessus). Je l’avais prise pour un jeune homme travesti… je ne cache pas mon étonnement. La jeune femme en rit et ne se préoccupe guère des fantasmes projetés par le public sur ces photos pour lesquels elle a posé à la demande de son amie, réalisant une performance artistique. Le lieu se remplit à craquer.

Je reconnais une jolie brune, Estelle. Elle avait été attachée par Nawashi Murakami lors du premier passage de celui-ci à Paris il y a de longues années. L’un des nouveaux membres du bureau de Paris-M m’expose les projets de l’association pour 2010. Soixante personnes s’étaient retrouvées mercredi dernier lors de leur rencontre mensuelle. L’association est devenue une porte d’entrée vers le BDSM pour de nombreux amateurs dont des provinciaux. Je revois ce soir-là beaucoup d’amis et de connaissances, mais le «petit milieu » a bien changé !


A présent, une large mouvance réunit les réseaux bdsm, fétish/sm, gothiques, amateurs de bondage ou de modifications corporelles, ainsi que les accros d’une cyberculture érotique. Si des noyaux spécifiques à chacune de ces subcultures subsistent et conservent leurs propres codes, la tendance est à l’hybridation, à la mixité, au développement d’un monde parallèle mondialisé. Pour aborder cette nouvelle configuration, le livre de Philippe Rigaut : Continent Dark, paru en novembre dernier aux éditions Ragage, nous propose une grille de lecture intéressante. Son « introduction aux subcultures sombres », sous-titre de l’ouvrage, traverse deux cents ans d’histoire culturelle et artistique. D’un chapitre à l’autre, il relève dans les genres et les courants (le fantastique, l'expressionnisme allemand, la décadence, le goth, le punk, la science fiction, etc.) les éléments d’une esthétique de l’ambivalence. Eros et Thanatos se rejoignent dans ces expressions subversives souvent diabolisées. L’auteur tisse un fil d’Ariane entre des époques, des styles, des formes, des personnages mythiques pour éclairer notre présent. Ce livre dense tente une approche pour comprendre le sens de notre socialité particulière. Je n’aurai pas fini de sitôt d’en explorer toutes les richesses.

Pour lire un entretien réalisé par Laurent Courau avec Philippe Rigaut sur le site La Spirale, cliquez ici.

Vous pouvez voir (et acheter) les photos de *James au Lust : 8, rue de Beauce dans le 3ème arrondissement de Paris, jusqu'au 3 mars prochain

1 commentaire:

  1. J'apprends que le Lust va fermer ! Il serait donc prudent de se renseigner avant de se déplacer et j'espère que cette belle expo trouvera un autre lieu pour l'accueillir.

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