samedi 7 novembre 2009

Lagrimas de Eros à Madrid (suite)



…la recherche voluptueuse, qui n’est pas condamnée, n’en est pas moins envisagée de telle manière que, dans certaines limites, il est mieux de ne pas en parler… l’homme, que la conscience de la mort oppose à l’animal, s’en éloigne aussi dans la mesure où l’érotisme, chez lui, substitue un jeu volontaire, un calcul, celui du plaisir, à l’instinct aveugle des organes. (Georges Bataille - Les Larmes d’éros)


(Untitled© James White, photographie 2004)



Le festival gay et lesbien a démarré pendant mon séjour. Samedi dernier, je rejoins environ quatre cents femmes pour assister à un film américain drôle et sans grand intérêt «And then came Lola». Deux spectatrices s’installent à mes côtés, engagent la conversation et, la projection terminée, elles m’entraînent dans les bars de la ville. Eva, de son prénom mythique pétille. Je la soupçonne brillante ou serait-ce l’effet dévastateur de son énergie incroyable qui a déjà mis KO sa comparse Maria ? Elles me racontent leur rencontre récente par internet et elles ajoutent qu’elles ne poursuivront pas leur relation. Maria a le cœur fendu.

Eva me dit des choses que je ne comprends pas… ou que je saisis à ma façon ! Et comme elle m’interroge sur des sujets précisément sexuels, je lui réponds sans détour. Badaboum… à son air soudain perplexe, je comprends que je n’aurais pas dû prononcer un mot sulfureux : sadomasochisme ! Bissex était déjà suffisant - j’ai d’ailleurs hésité avec polysex, j’ai pensé à mon attirance pour les trans et autres créatures, mais je ne voulais pas faire ma pédante. J’aurais pu dire : queer, bizarre, étrange, prononcer un mot juste trendy - Je m’attends au pire… mais non, après le bar à tapas et le café zen, des copines débarquent et toute la bande s’engouffre dans une boîte de nanas où quelques mecs et un papy se sont égarés.

(Óscar Domínguez, Máquina de coser electro-sexual, 1934.
Collection particulière)

L’ambiance est particulièrement chaleureuse. Les filles sont sexy, avenantes. On me signale la présence d’une basketteuse célèbre. Elle est impressionnante, environ deux mètres de taille, des épaules de garçon tatouées sous son débardeur blanc. Elle est entourée de ses fans. Une belle black se trémousse sur le bar et Eva, qui ne me perd pas des yeux, me demande si je la trouve « hot ». Je lui réponds : « Non, c’est ta présence que je trouve excitante !». J’aime sa façon de guetter mes réactions, sa manière d’enlacer son amie mexicaine. Elle me dit : ce n’est pas ma copine mais juste une amie ! Qu’importe, elles sont si belles ensemble. L’heure avance. Maria la première décide de s’en aller. Elle voudrait être en forme pour sa partie de tennis. Mes avances se font plus directes et je n’hésite plus à voler des caresses à Eva. Dans ma fougue, je ne me rends pas compte combien l’atmosphère est sage… Eva gênée s’en va aussi. Elle ne voudrait pas être « dominée » par son cheval lors de la séance d’équitation qui l’attend dans quelques heures dit-elle. Je prolonge la soirée en bonne compagnie. Une autre Eva me demande mon numéro de téléphone, son amie se rapproche de moi, mais je ne suis plus dans le mood. Lorsque je me retrouve dans la rue, il est trois heures et demi du matin, je ne sais pas exactement où je suis… quelque part dans le quartier de la Chuecca, l’équivalent du Marais ou de Soho à Londres.



Avant de quitter la capitale espagnole deux jours plus tard, je passe à la Fundacion Caja Madrid pour voir la deuxième partie de l’exposition intitulée : Le Songe éternel, consacrée à l’extase amoureuse et la mort. Je retrouve la photo de Marina Abramovic, Balkan Erotic Epic (2005) présentée il y a quelques temps sur ce blog. Je découvre la vidéo de Sam Taylor-Wood : David (2004) et je me dis que je craquerais pour un homme blond abandonné tel cet Adonis dans son sommeil.



"Mon corps est un espace politique"


Je ne sais pas si je reverrai l’une de ces amazones ibériques rencontrées dans la nuit, mais si elles lisent ces lignes, elles sauront combien les images imprégnées grâce à elles dans ma mémoire me font jouir… et combien sans ces images, le sexe se réduirait pour moi à de la gymnastique!











(c)Mona

4 commentaires:

  1. Je reconnais bien là cette façon si particulière et élégante que tu as, Mona, d'évoquer tes rencontres furtives sans les décrire, pour nous permettre de rêver sans être gêné(e) par des images trop précises.
    L'esprit peut alors vagabonder à ta suite, des lieux culturels qui t'attirent tant, aux boîtes où l'aventure te donne rendez-vous.
    Continue à parcourir cette Europe qui nous est si chère pour nous faire partager tes découvertes et tes émois. Nous aussi nous aimons "jouir" en te lisant.
    Je t'embrasse, PBD

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  2. Oui totalement d'accord avec PBD, je n'ai ni le temps ni le talent pour le dire si bien. Merci !

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  3. Merci Mona pour décrire d'une façon très belle la nuit de Madrid, ce samedi-là, au coeur de la nuit sauvage.

    J'espère qu'au moins tu en gardes un bon souvenir.

    L'hiver veut s'installer très tôt à Madrid, reçoit ma sincere salutation.


    Eva



    www.cowgirlsland.blogspot.com

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  4. J'ai de la chance d'avoir des lecteurs aussi fidèles qui savent lire entre les lignes, qui me devinent et me suivent. Je vous embrasse très fort.

    Quant à Eva, elle sait combien j'ai eu du plaisir à recevoir son message...

    (tu dois être heureuse à présent. Samedi dernier tu te plaignais de la chaleur et tu me disais préférer l'hiver, cela m'avait tellement étonnée!)

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