vendredi 27 mars 2009

Queer Generation

Dans les années quatre-vingts, à une période où j’avais repris des études universitaires à Paris, je découvrais le SM, pratique libertine et marginale. Ma curiosité intellectuelle, m’entraînait à chercher dans les livres des clés de compréhension de ce que je vivais sur le plan intime et personnel. Si la littérature m’offrait un éventail d’œuvres magistrales pour mon inspiration érotique, si ma fréquentation de certains écrivains, critiques d’art, sociologues, auteurs de théâtre, joua un rôle non négligeable dans ma réflexion, je peux dire aujourd’hui combien je me suis sentie frustrée sur le plan de l’analyse. Je fus nourrie, comme la plupart de ceux de ma génération, des écrits de Bataille, Foucault, Deleuze et de Guattari. J’eu la chance de me retrouver dans l’une des soirées de « Félix » (Guattari), dans son bel appartement ouvert à toute une faune hétéroclite. Je pu me rendre à l’évidence de la relation charnelle qu’il entretenait entre ses écrits et son vécu. Je ne trouvais pourtant pas dans la pensée philosophique, qu’elle soit straight et encore moins féministe de réponses à mes questions.

Les choses ont commencé à changer vraiment à la fin des années quatre-vingt-dix. Dans le cadre des études gays et lesbiennes, j’entendais parler d’auteurs américains qui abordaient d’une manière directe les pratiques sadomasochistes. Je me souviens avoir lu un petit ouvrage en anglais de Pat Califia. Les problématiques exposées me semblaient assez lointaines de mon vécu en France. Néanmoins j’avais été impressionnée par le ton ravageur de l’auteur. Aujourd’hui, en l’espace d’une dizaine d’années qui me sépare de cette première lecture, j’ai l’impression d’une transformation radicale. Féministe activiste, sadomaso, Pat est devenue à présent Patrick. Une série de ses articles ont été récemment traduits et publiés par La Musardine sous le titre : Sexe et Utopie. En France, les études concernant l’homosexualité se sont multipliées. On peut trouver quelques livres à propos des modifications corporelles, du fétichisme, du sadomasochisme. Les auteures féministes abordent des thèmes inspirés d’études américaines sur le genre (gender studies) et de nombreux ouvrages de référence ont été traduits notamment de Judith Butler pour ne citer qu’elle. Les écrits de Marie-Hélène Bourcier, dont Sexpolitiques - Queer Zones 2 paru en 2005 aux éditions La Fabrique ont sans conteste changé la donne. Dans ce livre, l’auteur traite de front des questions liées au féminisme, au genre, aux sexualités, notamment au sadomasochisme pratiqué par les femmes lesbiennes. Je viens de lire d’une traite Mauvais Genre d’Axel Léotard (Hugo&Cie, 2009) qui décrit le parcours d’une personne née de sexe biologique féminin et qui effectue sa transition vers l’autre sexe (ou plutôt, l'autre genre, puisqu'elle ne souhaite pas changer de sexe!). Le récit est émouvant, fort et troublant. Il nous enseigne qu’il y a encore des combats pour la liberté sexuelle et individuelle à mener et qu’ils sont politiques.

Lorsque j’ai commencé à pratiquer le SM, j’ignorais tout du sujet. Hier, j’ai eu la surprise de lire ces mots venant d’un lecteur de Tendance SM qui tient un blog queer d’une rare pertinence : J'ai 23 ans (je suis né en 1985). Je fais partie, je crois, de cette génération que vous décrivez chez qui "le paraître domine la scène au détriment de l'action", bien que je n'ai aucune soirée libertine à mon actif, ni soft, ni hard. Ce post est un début de réponse à des questions qu’il me pose. Et, ayant présenté d’une manière très élogieuse le dernier livre de Wendy Delorme: Insurrections! en territoire sexuel paru au Diable Vauvert, il sera heureux d’apprendre que la Playnight, à laquelle la performeuse-écrivaine a participé, première soirée «ludique et décomplexée» organisée par Flozif, a réuni samedi dernier plus d’une centaine de lesbiennes et de trans.

Parce que j’étais à Prague, j’ai raté sans doute la première soirée « sexe entre femmes » de la Queer Generation en France!

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