samedi 6 décembre 2008

SM à toutes les sauces



Dans le cadre de la semaine du fooding, une soirée avait lieu mercredi dernier dans les salons du restaurant Lapérouse fondé en 1766 et installé dans un hôtel particulier du XVIIIème situé sur les quais de la Seine à Paris. D’après le service de presse, Maupassant, Zola et Hugo s’y pressaient ainsi que « les élégantes qui s'y isolent pour des soupers-diamants (les miroirs conservent encore les griffures du peu de confiance qu’elles accordaient aux carats de leurs soupirants…) ». A notre époque c’est un délicieux lieu pour des rendez-vous particuliers.

Du concept de fooding, on en a une vague idée. Alexandre Camas, journaliste curieux et vif, raconte qu’un jour il a rajouté « ing » pour faire une rime. C’est donc par hasard que le mot fut créé. Le hasard a voulu que je rencontre le journaliste au début de sa carrière. Avant de faire ses armes à Libération et à Nova mag en tant que chroniqueur de rubriques "bonnes tables" ou "cuisine", et après l’école hôtelière, il pigeait pour Vogue Homme. Créatif, à la recherche des tendances, il n’était pas indifférent aux sujets sulfureux de l’époque.

A présent, les représentations SM se sont répandues dans notre culture et Alexandre Camas co-dirige une boîte de conseil qui produit de l’évènementiel. C’est donc par ce biais, me semble-t-il, que Catherine Robbe-Grillet se trouve invitée à participer aux agapes !

Il faut un mot de passe pour accéder au bar où les verres de cognac brillent de tous leurs feux. Un pianiste indifférent aux brouhahas de la foule joue des airs vaguement jazzy. Avec ma fidèle complice nous filons au premier étage à la recherche de la petite troupe en pleine effervescence avant la première présentation d’un tableau d’une quinzaine de minutes qu’elles devront reproduire trois fois au cours de la soirée.

Le salon s’est transformé en boudoir pour des femmes lascives et sensuelles. La fièvre monte. Le photographe co-organisateur sautille dans tous les sens, excité et un peu dépassé. Il faut dire qu’il y a beaucoup de monde et les spectateurs seront pour la plupart privés de spectacle. En effet, la prouesse consiste à essayer de percevoir la scène intitulée Les cinq sens à partir de l’étroit couloir où passent les serveurs ! A l’heure dite, la porte s’ouvre. A notre vue se dévoile une scène Robbe-Grilletienne. Les personnages sont beaux, la maîtresse de cérémonie est cachée derrière une burka bleu (je ne m’étais pas trompée, c’est la dernière mode pour les domina !). La chaussure fétiche en cuir vernie tenue par une vestale en satin rouge concentre les regards. Une vierge vêtue d’une robe empire de guipure blanche s’amuse à y verser du cognac. Elle y trempe des morceaux de sucre et offre les canards à des personnes du public. Une androgyne en costume se penche aux pieds de la belle assise pour lui baiser le pied.

Ce tableau ressurgi d’une littérature ancienne avait-il vraiment sa place dans cette soirée, sponsorisée par le "bureau interprofessionnel du cognac", malgré les dorures et les boiseries ? Il suffit d’un quolibet pour gâcher le plaisir des rares amateurs. Le public était trop étranger à cet univers. La maîtresse et ses acolytes avaient l’air content... Tant mieux et à la prochaine, en privé cette fois-ci !

(Voir la burka et lire d'autres infos)

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