dimanche 2 août 2009

Les Putes



Si vous passez en Provence au mois d’août, ne manquez pas l’occasion de revisiter un thème fantasmatiquement puissant, sujet à débats et revendications: les putes. La manifestation en trois volets est organisée par l’artiste Michel Barjol et Guy Scarpetta, écrivain, professeur, critique d’art et de cinéma. Jeudi 6 août, de 18h à 20h à la Ferme des Arts de Vaison-la-Romaine, des artistes et des écrivains comme Denyse Beaulieu, Jean-Luc Henning, Alain Jaubert, Jean-Jacques Lebel, Pierre Mertens, Dominique Noguez, et Catherine Robbe-Grillet débattront de « la prostitution dans l’imaginaire littéraire et artistique ». La soirée sera clôturée par une lecture de textes de Grisélidis Réal par Beverley Charpentier. La veille mercredi 5 août à 20h30 auront été projetés au cinéma Utopia en Avignon deux documentaires inédits sur la même Grisélidis, prostituée suisse. Peintre et écrivain à ses heures, elle s’était battue pour que son métier soit reconnu et respecté. La soirée sera animée par Jean-Luc Henning. A partir du lendemain à 21h et pendant quelques jours, les projections se poursuivront au Cinéma Le Florian à Vaison-La-Romaine avec des films cultes dont Belle de Jour avec Catherine Deneuve (photos ci-dessous) le 8 août, ou Mamma Roma de Pier Paolo Pasolini, le 11 août. Ce film sera suivi d’une discussion conduite par Guy Scarpetta. Enfin, le vendredi 7 août à partir de 18h, aura lieu à la Galerie Martagon de Malaucène le vernissage d’une exposition d’oeuvres d’artistes, entre autres : Rachel Laurent, Jean-Luc Moulène, Antonio Saura, Jean-luc Verna, etc. Un livre-catalogue est publié à cette occasion par les Editions Semiose.


N’ayant pas l’opportunité de pouvoir assister à cette belle programmation, je me suis contentée de lire le dernier ouvrage de Serge Koster : Le Sexe et l’Argent, paru récemment aux éditions Melville de Léo Scheer. L’auteur a longtemps travaillé et réfléchit avant de publier cette somme précieuse d’informations présentée sous forme d’abécédaire très bien documenté. On y trouve des pistes de réflexion et des références d’ouvrages pouvant apporter des réponses aux questions complexes posées par ce sujet délicat. Le thème de la prostitution y est traité sous un angle historique, littéraire, artistique et il est posé en débat de société. Car, il ne suffit plus aujourd’hui d’apprécier les figures esthétiques et littéraires des courtisanes mythiques. Nous n’en sommes plus à nous opposer aux abolitionnistes moralisateurs de tous poils et encore moins aux prohibitionnistes. Il s’agit maintenant d’entendre la voix et les arguments des travailleurs et travailleuses du sexe mais aussi ceux des clients (encore plus inaudibles). Présentée par Serge Koster, la prostitution féminine apparaît à travers l’histoire comme un élément fondateur de la construction hétérosexuelle et de l’institution matrimoniale. Et si le terme « pute » est employé pour désigner toutes les femmes « portées sur le cul », toutes les femmes sont aujourd’hui concernées par ce débat car il n’est plus possible d’accepter l’hypocrisie qui valorise la vénalité masquée par les règles de la bienséance. Celle-ci tolère qu’une femme accepte les cadeaux et les avantages offerts par des hommes contre un service sexuel du moment que les apparences sont sauves (notamment dans le cadre du mariage ou d’une relation pseudo amoureuse). Ce même échange est condamné dans le cadre de la relation prostitutionnelle… pourquoi ?


J’ai profité de cet éclairage pour relire un chapitre essentiel du King Kong Théorie de Virginie Despentes (Grasset 2006) : « Coucher avec l’ennemi ». Partant de sa propore expérience, V.D. décrit le pacte de la prostitution « je te paye tu me satisfais » comme étant la « base du rapport hétérosexuel ». Sur ma pile, il y a un livre incontournable de Claire Carthonnet : J’ai des Choses à vous dire, publié en 2003 chez Robert Laffont. Elle témoignait de son expérience de transsexuelle prostituée propulsée au devant de la scène lors de la promulgation de la loi Sarkozy sur la sécurité intérieure et la création d’un nouveau délit : « le racolage passif ». Très lucide sur son activité qui n’est pas un métier comme un autre elle écrit : « Je ne suis ni psychologue ni assistante sociale… je suis là pour gagner ma vie, rien de plus ». Et comme il est grand temps de changer les choses, Maîtresse Nikita (travesti sadomaso) et Thierry Schaffauser auteurs de : Fière d’être putes (l’Altiplano, 2007), proposent des actions pour « lutter contre la putophobie », ce qui équivaut également à « lutter contre le sexisme ambiant».

Tout le programme en cliquant ici et là : Voir et écouter un entretien passionnant datant de 2002 avec Crisélidis Réal

7 commentaires:

  1. La comparaison de Serge Koster est séduisante. Mais les féministes beauvoriennes, souvent très critique vis à vis de la prostitution, n'auront-elles pas l'argument simple pour faire éclater ce genre de comparaison ? =>"Moi personne ne m'entretient, je travaille".

    Cyberkor

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  2. Ce n'est pas tellement la comparaison de Serge Koster que la mienne... disons que les diverses entrées de son abécédaire me font tirer quelques conclusions très subjectives, comme le choix de mes lectures… Oui, pour : « je travaille, personne ne m’entretient » mais il me semble que si l'on ne se pose pas en moralisateur, la question posée par la prostitution concerne plutôt le statut (en réalité, le non statut) de ce travail particulier réalisé essentiellement par les femmes et dont les hommes profitent.

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  3. Etant donné que le féminisme beauvorien et le féminisme de la troisième vague ont en commun de "critiquer" la situation de femme au foyer, n'est-ce pas tirer une balle dans le pied à la cause des putes cette comparaison ? Une manière de donner raison à la critique d'un féminisme moraliste.
    Vous voyez, la victimisation des femmes et tout çà, etc.

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  4. Non non, je ne vois pas... explications svp

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  5. Je veux dire qu'en comparant la situation des femmes au foyer à celle des putes, on peut vous lire comme si vous disiez que les putes étaient "l'esclave" ou la "servante" des hommes...

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  6. Ce n'est pas exactement ce que je voulais dire mais je comprends votre critique. Schématiquement, ce sont deux éléments d'un système qui se tient, en effet (hors victimisation et morale)

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  7. Une faille paraît également résider dans l'illusion que l'hétérosexualité (les relations sexuelles entre un biohomme et une biofemme) n'a lieu qu'à la condition qu'il y ait des cadeaux... Malgré tout le respect que je vous dois, et vous savez ô combien je respecte votre personne et votre travail chère Mona, plus je réfléchis à votre proposition plus je la trouve un tout petit peu caricatural.

    Pensez-vous qu'une femme hétéro qui ne reçoit pas de présents de son homme réfusent tous rapports sexuels ? Non, alors qu'une prostituée refusent ses services sexuels sans contre-partie financière. Très précisément parce que c'est un métier, une entreprise comme une autre qui mérite salaire, il n'y a pas besoin de le comparer à la condition féminine pour le défendre, je pense sincèrement que çà aura l'effet inverse.

    J'ose quand même imaginé que les femmes hétéro moderne baisent pour le plaisir du sexe, prendre son pied d'un manière ou d'une autre, pas pour avoir des cadeaux. J'ai du mal à croire que les femmes soient encore ces cruches qui ne comprennent rien aux plaisirs sexuels, ayant peur d'aimer çà et de passer pour une pute.
    La comparaison entre l'amour hétérosexuel et la prostitution me parait sincèrement très intéressant, mais limiter par endroits.
    Même si je ne nie pas que les hommes qui charment une femme en la couvrant de cadeaux entrent clairement dans les schémas de la prostitution masquée. Mais sont-ils réellement une majorité ?

    Il est vrai qu'à une certaine époque, les femmes vivaient au crochet du salaire de leur mari, mais est-ce encore le cas ? Toutes les femmes hétéro de mon entourage, sauf rarissime exception, travaillent, cela avec ou sans enfants.

    Par ailleurs, est-ce qu'une femme hétérosexuelle doit être paranoïaque dès qu'un homme lui offre un cadeau ? Un cadeau ne peut-il plus être interpréter comme une envie de faire plaisir à l'autre ? Après tout, les parents offrent bien des cadeaux à leur enfant, les amis s'achètent des cadeaux...

    Je crois que votre comparaison ne concerne qu'un champs très limité de l'hétérosexualité.

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