"Dans mon essai, j’aborde l’analyse des représentations sadomasochistes telles qu’elles se sont manifestées au cours du siècle dernier, et particulièrement les vingt dernières années que j’ai bien connues.
Je constate qu’une certaine tradition libertine française s’exprime à travers des pratiques très ritualisées. Celles-ci sont décrites dans des livres et réalisées dans des soirées. Les rôles y sont très codifiés : maîtres, maîtresses, esclaves, jouent d’une certaine manière à « Histoire d’O » ou à la « Vénus à la fourrure » avec tout ce que cela comprend comme rituels.
J’ai découvert une autre approche du SM dans les soirées anglaises, à Amsterdam et à New-York, où le rituel disparaît au profit de sensations qu’on cherche à éprouver, sans nécessairement jouer un rôle soumis ou dominateur. Le « jeu » est plus léger, les personnes peuvent changer de rôles dans une même soirée (switcher), ou pousser le jeu de rôle jusqu’à la caricature comme ceux qui se déguisent en écoliers(ères), en professeurs, en infirmières, en militaires. Certains jeunes y adoptent des looks différents de ceux qu’on a connu auparavant : crânes rasés, piercing, tatouages… Ils vivent les sensations de douleur ou d’humiliation comme une performance individuelle indépendante de la relation dominant-dominé.
Dans les mégas soirées auxquelles participent mille ou deux mille personnes, d’autres exhibent des tenues fétichistes exubérantes sans chercher à pratiquer le SM. La manifestation de cette diversité de représentations est devenue possible depuis les années quatre-vingts, grâce à la socialisation de la pratique SM et à sa médiatisation. Des tribus différentes comme les gothiques, les punks, les fashion- victims, les adeptes de modifications corporelles et les modern primitives se sont mêlées aux SM dans des bars, des boîtes et des soirées qu’on appelle « fétichistes ». Pour moi, le SM est plus qu’un plaisir : c’est un apprentissage de la liberté."
(Extrait d'une interview parue dans Les Inrockuptibles N° 452-454 du 28 juillet au 17 août 2004. Numéro spécial "Sexe?")
mardi 27 février 2007
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